Un peu de cuisine… pourquoi pas des galettes de blé noir maison ?
19 juillet 2022Que porte mon enfant, mon ado, dans son sac à dos ?
8 décembre 2022Empathie ou déconnexion ?
Pour la bonne compréhension de ce texte, il est FORTEMENT RECOMMANDÉ d’avoir lu
“Moi, journaliste fantôme au service des lobbies…” du journal indépendant Fakir.
Illustration : Lardon
Whaouh ! L’article ne laisse pas indifférent. On le dit volontiers : “l’information est manipulée, ce n’est pas pour rien que les puissants groupes achètent les médias”… Mais ce témoignage nous rend les choses palpables… Certes, mes amis journalistes m’alertaient sur la raréfaction du journalisme d’investigation, ce gars me permet de prendre une autre mesure du problème. ça parait impossible, surréaliste, comment peut-on écrire sciemment des textes qu’on sait être du vent… Comment cet homme a-t-il pu coopérer pendant 6 années ? On mesure la progressivité, l’anesthésie, la manière dont les rouages s’enclenchent… Il reconnait qu’il travaillait comme un robot, et surtout sans réel problème de conscience : “tant qu’on ne me demandait pas de nuire directement à quelqu’un, ou de faire l’apologie d’un criminel notoire… Il fallait bien gagner ma croûte. Et puis, si ce n’était pas moi, quelqu’un d’autre le ferait de valeurs qui ne sont pas les siennes.” Comment a-t-il pu accepter que ses articles soient signés de noms qui non seulement n’étaient pas le sien, mais annonçaient des CV mensongers… Certes, ça dégageait en quelque sorte sa responsabilité. Le public ne voyait pas que c’était lui qui écrivait ces articles sur tous ces sujets auxquels il avoue ne rien connaître. Tant que ce qu’il écrivait était suffisamment loin de lui, il pouvait ignorer ses scrupules. Quand il a dû se mettre au service de la défense du glyphosate, l’image des conséquences s’est rapprochée. Sa raison, son empathie, sont déjà tellement embrumées par l’engrenage, qu’il ne parvient pas seul à décider que faire. Heureusement, sa copine est écolo et réagit immédiatement. Elle lui fournit le support dont il a besoin pour stopper. On ne lit pas encore dans cet article la réelle mesure par l’auteur des dégâts occasionnés dans le monde. J’attends avec impatience un livre qui nous le montrera. Les fake news ne sont pas innocentes. Si on lui commandait ces textes, c’est qu’ils servaient les bénéfices de certains, au détriment d’autres.[/vc_column_text][vc_empty_space height=”25px”][vc_row_inner content_placement=”middle”][vc_column_inner width=”1/2″][vc_single_image image=”111273″ img_size=”full” onclick=”custom_link” img_link_target=”_blank” link=”https://www.netflix.com/fr/title/81254224″][/vc_column_inner][vc_column_inner width=”1/2″][vc_column_text]L’excellent documentaire “Derrière nos écrans de fumée” de Jeff Orlowski, nous avait déjà montré comment les géants du web, Google, Facebook, Microsoft et consorts, utilisaient nos données pour orienter, modifier et conditionner non seulement nos comportements d’achats, mais nos émotions, nos pensées et jusqu’à notre bulletin de vote. Brexit, victoire de Trump, coups d’états ici ou là, violences un peu partout dans le monde… Une ex de Cambridge Analytica nous a dévoilé comment les algorithmes s’inséraient partout, et comment elle avait collaboré avec enthousiasme à l’élection de Trump… ou plutôt non… à la réussite du projet. Car, comme le journaliste ci-dessus, elle s’était dissociée, déconnectée d’elle-même. J’en avais pleuré. Engagée à gauche, dans l’humanitaire depuis des années… Elle avait au début accepté ce boulot parce qu’elle avait besoin d’argent pour sa maman malade… Elle s’était concentrée sur son métier, sur la tâche, elle avait même vibré d’enthousiasme en découvrant la puissance de son algorithme, elle avait fêté sa victoire… , pour ne réaliser qu’après qu’elle avait agi à l’encontre de ses valeurs.[/vc_column_text][/vc_column_inner][/vc_row_inner][vc_empty_space height=”25px”][vc_column_text]Combien sommes-nous à nous anesthésier, à nous couper de nous-même, à accepter d’agir contre nos valeurs et finalement à nous faire les chevilles ouvrières de notre malheur sous le prétexte que “si je ne le fais pas un autre le fera ?”. “Quand je pense qu’il suffirait que les gens arrêtent de les acheter pour que ça ne se vende plus.” avait dit Coluche. Il avait raison bien sûr et pas seulement pour les produits achetés. Chacun de nos actes est politique en ce sens qu’il a un impact, que nous le réalisions ou non, sur le reste de la société. Nous nous abritons derrière l’idée que nous sommes insignifiants, que notre participation est si faible à l’échelle de l’humanité, que notre empreinte est légère… “Ce n’est pas si grave” se répétait ce journaliste.
Les raisons de ce comportement sont multiples. D’une part, nos cerveaux sont équipés de cette option “distanciation/déconnexion”. Elle sert à survivre au trauma pour ne pas trop souffrir. Comment se fait-il que nous l’activions si facilement ? Peut-être que nous avons tous été suffisamment traumatisés dans notre enfance pour que le mécanisme soit devenu automatique voire une habitude… Peut-être que nos parents n’ayant pas écouté, entendu nos pleurs, nous avons fermé notre coeur. Peut-être que nous avons appris très tôt à supprimer nos sentiments, notre empathie, à ne pas écouter notre petite voix intérieure pour obéir. Car c’est à mon sens une seconde raison majeure de cette distanciation, de cette inconscience : à la maison et à l’école, nous avons appris à obéir sans poser de question. “Vous devez faire votre travail quel que soit votre client…” Vraiment ? L’obéissance s’oppose à la responsabilité de ses actes et au développement de l’empathie. Elle suppose la suppression de son ressenti intérieur. Sortons de l’éducation à l’obéissance, tant à l’école qu’au sein de la famille. Eduquons nos enfants à la responsabilité.
Reste un autre problème, le manque d’argent. Tant pour le journaliste que pour l’experte des algorithmes, c’est le besoin d’argent qui a refermé la porte sur eux. C’est pourquoi un revenu universel rendrait aux gens leur liberté. Ils auraient le choix de travailler ou non pour telle et telle entreprise/patron/cause. Je n’ose comprendre pourquoi la pauvreté ne recule pas davantage. Est-ce que cela arrangerait certains ? En maintenant les gens dans la précarité, dans l’insécurité financière, les puissants s’assurent de leur coopération.
Nous avons tendance à énoncer de belles théories pour justifier nos comportements. Dans ma jeunesse, j’avais rencontré un homme allant à l’église tous les dimanches. Comme il me confiait ce qu’il faisait dans son entreprise, je l’interrogeais sur la cohérence avec ses valeurs. Il m’a répondu : “Les affaires sont les affaires, la religion c’est la religion, il ne faut pas confondre, chaque chose à sa place. La religion à l’église, dans l’entreprise il ne faut pas avoir d’état d’âme sinon on ne peux pas réussir”. J’étais interloquée. Comment peut-on séparer ainsi sa spiritualité de son quotidien ? C’était il y a des années… Mais je crains que ce ne soit encore le credo de nombreuses personnes. Jusqu’à ce que, comme l’auteur de cet article, elles ouvrent les yeux et se rendent compte avoir éteint quelque chose en elles.
Comment ne pas se laisser manipuler ? Douter, douter et encore douter. Se poser des questions et écouter notre petite voix à l’intérieur. Petite fille, j’ai été exclue du catéchisme parce que : “Tu poses trop de questions qui n’intéressent personne”. Toute ma vie, on m’a seriné : “Tu te poses trop de questions”. Certes les questions sont génératrices d’anxiété, car elles nous renvoient à notre part de responsabilité. Mais elles sont aussi la voie de la joie profonde d’incarner ses valeurs. Si je me pose des questions, c’est aussi parce que mes parents m’y ont invitée. Ils ne m’ont pas demandé obéissance, mais observation, analyse, réflexion, anticipation des conséquences, empathie.
Merci Monsieur, pour ce témoignage. Merci aussi d’avoir collaboré pendant ces six années, car vous nous montrez ainsi le pouvoir de ce type d’engrenage de broyer la conscience. Vous soulignez enfin combien seul, il est difficile de résister. A deux (ou plus), on est plus forts. Vous montrez bien comment la honte peut nous retenir de nous épancher et ainsi nous prive de soutien. Là encore, il y a une question d’éducation. Eduquons nos enfants à oser nous parler de leurs erreurs plutôt que d’avoir peur de notre jugement, à oser faire face à leurs sentiments sains de culpabilité plutôt que de les enfermer dans la honte. Aidons nos enfants à grandir dans l’intelligence du coeur.