Violences familiales : comprendre pour ne pas reproduire – Conférence gratuite en ligne
28 juillet 2023Mes vœux pour 2024
16 janvier 2024Il était un enfant, il s'appelait Arnaud, il avait huit ans
Depuis ma première rencontre avec Arnaud Gallais à l’époque de la commission des 1000 premiers jours, j’ai été impressionnée tant par sa personne que par son engagement. Il m’avait raconté son histoire, et ses luttes, mais à la lecture de ce livre « J’étais un enfant » qui parait ce 4 octobre chez Flammarion, je mesure davantage ce qu’il a traversé et traverse encore. Cet ouvrage fait partie des livres nécessaires. Nécessaire pour savoir, pour comprendre et pour agir, enfin. Agir pour protéger les millions de victimes et surtout changer notre société qui permet les abus, qui permet les violences, voire les protège et les favorise. Arnaud nous le décrit sans ambages. Il s’agit tout d’abord de changer de regard pour oser ouvrir les yeux, écouter les enfants et les croire et cesser de retraumatiser. On y lit combien sous le comportement qui dérange la classe, il peut y avoir un enfant blessé, un enfant violenté, un enfant victime. La réponse des adultes consistant à exclure systématiquement l’enfant qui se fait remarquer… n’est ni adaptée ni aidante. Un enfant qui « se fait remarquer » aimerait qu’on le remarque, qu’on l’écoute. Un enseignant suspectant des violences ne doit jamais convoquer les parents mais informer d’autres instances qui pourront protéger l’enfant. La maîtresse d’Arnaud a convoqué la mère, qui a minimisé. Arnaud n’a pas été entendu. Le déroulement du livre nous permet de suivre de l’intérieur le processus complexe de sape des violences sexuelles. On comprend comment l’alcoolisation est une solution pour ne pas sentir, pour tenir. Arnaud devient papa, il en avait peur, mais il ne reproduit pas les violences subies. Il souligne d’ailleurs avec justesse que l’idée du risque augmenté de devenir bourreau quand on a été victime est fausse. La majorité des victimes sont des filles. La majorité des agresseurs sont des hommes.
Mon travail sur le psychotrauma et les études ACE (Adverse Childhood Expériences – Expériences adverses de l’enfance) m’avait alertée sur les risques pulmonaires et cardiaques des victimes de violences dans l’enfance. J’avais compris pour le cœur, mais pourquoi les poumons ? Grâce aux mots d’Arnaud Gallais qui présente une déficience respiratoire que sa pneumologue met en lien avec les violences sexuelles subies, je comprends l’inscription du trauma dans les poumons qui cherchent l’air… En nous contant son parcours d’activiste, et comment ses engagements lui ont valu attaques et exclusions, il nous parle de notre société, de nos difficultés à regarder la réalité en face et à protéger les enfants. En France, on oppose encore la théorie des « faux souvenirs » à l’amnésie traumatique, et le concept d’aliénation parentale rencontre encore du succès. La loi du silence protège les agresseurs. Si l’accueil en commissariat s’est nettement amélioré, la personne qui porte plainte n’est pas au bout de ses peines. Porter plainte coûte cher dans tous les sens du terme. Moins de 4% des victimes portent plaintes. 73% de ces plaintes sont classées sans suite; 0,4% aboutissent aux assises et le reste sans déqualifiés en agression sexuelle. Merci Arnaud de parler ainsi publiquement dans toutes les instances où cela est possible. Cela requiert un courage qu’une personne qui n’a pas été victime peine à mesurer. Il est important que tout le monde sache la réalité des murs que rencontrent les victimes, quand ce ne sont que des murs et pas des fossés ou des herses qui leur tombent dessus. La ville de Marseille s’engage dans le mouvement des villes informées sur le trauma, à Marseille, ville non-violente, nous avons l’ambition d’apprendre collectivement à ouvrir les yeux, à mesurer combien le trauma est répandu, à croire les victimes et à résister à l’impulsion de les retraumatiser. Ce livre s’inscrit dans le partage d’informations nécessaires. Il est facile à lire, clair et plein d’humanité.
Isabelle Filliozat